Le cadre juridique

La ferme d’apprentissage du moulin de Ravel est une structure du type Organisation Non Gouvernementale (ONG), dont le but poursuivi est d’intérêt général et public à l’échelle d’un territoire local, selon sa propre appréciation et selon qui voudra bien l’évaluer comme tel.

Une association Loi 1901

Le cadre juridique de la ferme d’apprentissage est une association déclarée Loi 1901, N° RNA : W261006207, N° SIRET : 91050205300010 (L’objet social et les statuts sont consultables en Annexe ou en préfecture).

L’association se voit mettre à disposition des moyens, avec l’aide de ses associés et de mécènes privés ou publics, pour réaliser les missions qu’elle s’est fixée dans son objet social.

Des associés ont effectué des apports avec droit de reprise à l’association, ce qui lui offre notamment la propriété d’usage du domaine agricole et forestier dit du moulin de Ravel.

Il s’agit d’une ancienne ferme-moulin avec environ 8 hectares de terres agricoles et 18 hectares de forêts. Les terres agricoles sont sous convention décennale avec la SAFER nous engageant à conserver au moins une activité agricole sur ces terres.
L’association a les droits d’exploitation agricole et est affiliée à la MSA Ardèche Drôme Loire avec un relevé parcellaire d’exploitation de 8 hectares de terres agricoles.

Nous estimons que les activités d’Autoformation-Production-Expérimentation de l’association font globalement parties des codes NAF et APE de l’INSEE suivant :

01.50Z Culture et élevage associés (Activité Principale Exercée) :
Cette sous-classe couvre la production combinée de produits végétaux et de produits animaux sans spécialisation de la production dans les produits végétaux ou dans les animaux. La dimension de l’exploitation agricole globale n’est pas un facteur déterminant.

85.59A Formation continue d’adultes :
Cette sous-classe comprend la formation professionnelle destinée à des adultes entrés dans la vie active.

L’association est déclarée dans ses statuts (article 1.1) comme étant à but non lucratif et à but non commercial. Les activités de l’association ne peuvent donc pas être commercialisées sans vérifier les conditions de leur caractère non lucratif et non commercial.

Parallèlement, certains de ses usagers qui louent ou qui empruntent des espaces et des moyens matériels à l’association peuvent avoir en leur nom propre des activités commerciales normales.

Des associés

Les statuts prévoient deux catégories d’associés : des associés agréés et des associés membres de droit.

Des associés agréés :

Sont membres associés agréés de l’association les personnes physiques ou morales souscrivant aux statuts et ayant reçu l’agrément de l’association par une décision collective ordinaire de l’association.

Cet agrément en qualité de membre associé agréé peut éventuellement être conditionné par le paiement d’une cotisation ou peut être limité dans le temps.

Des associés de droit :

Sont membres associés de droit de l’association les personnes physiques ou morales souscrivant aux présents statuts et qui sont titulaires, ou ayant-droit héritiers de titulaire, d’un droit de reprise résultant d’un traité d’apport avec droit de reprise réalisé au profit de l’association.

Des associés « ponctuels » et « persistants » :

Par ailleurs, en pratique, il y a aussi :

  • des associés dits « persistants », parce que la durée de la qualité de membre associé n’a pas été limitée dans le temps au moment de leur agrément,
  • des associés « ponctuels », dont la qualité de membre associé a été fixée dans le temps au moment de leur agrément, généralement pour la durée d’un accueil ponctuel, d’un stage ou d’un chantier participatif.

Les associés « ponctuels » ne sont pas agréés dans l’intention de participer au fonctionnement global de l’association. Leur période d’adhésion associative est courte et située en dehors des dates d’assemblée générale.

Ils sont agréés ponctuellement parce qu’il est parfois utile ou nécessaire pour des questions administratives de normes et d’assurances que des usagers de la ferme soient légalement associés de l’association.

Par exemples lors de leur présence dans ses locaux et lorsqu’ils effectuent des activités agricoles et artisanales, empruntent des matériels ou bénéficient d’autres services de l’association, ou bien lors d’événements de droit privé concernant les usagers ou voisins de la ferme et pas des événements en accès tout public.

Apprentis-paysans, volontaires, clients, parfois invités et visiteurs, peuvent donc être potentiellement invités à signer une demande d’adhésion à l’association pour pouvoir être légalement membres de l’association, ultérieurement et si nécessaire.

On verra cependant un peu plus loin que les AP Gérants d’une activité, même quand ils sont des associés « ponctuels », participent au pilotage des activités de l’association à l’échelle du pôle d’activité agricole ou artisanale dont ils ont la responsabilité.

Rôles des associés « persistants »

Les personnes co-fondatrices du projet souhaitent inviter, négocier et former une assemblée délibérante d’au moins une quinzaine d’associés « persistants » pour veiller, de près ou de loin, maintenant ou plus tard, au bon déroulement et à la succession des porteurs et apporteurs du projet sur le long terme.

Elles inviterons des personnes proches, amicalement et/ou philosophiquement, à être de futurs associés « persistants » ; elles pourront observer et participer en invité aux activités et aux assemblées d’associés comme elles le souhaitent et selon leur disponibilité pendant au moins une année du projet.

Les personnes co-fondatrices du projet se donnent rendez-vous dans un an environ pour agréer d’un bloc un groupe d’au moins une quinzaine de personnes qui auront été invitées à être associées « persistantes ».

Celles-ci auront ainsi pu prendre le temps de se faire une opinion et de confirmer leur volonté de faire de leur mieux pour préserver et participer à la pérennisation et au développement d’une ferme d’apprentissages à la vie paysanne et permacole.

Leurs motivations peuvent être variées : pour elles-mêmes, pour les nouveaux et anciens habitants du territoire, pour leurs ami-e-s d’ici et d’ailleurs, ou pour les prochaines générations, pour leurs enfants ou ceux de leurs proches.

Les rôles attendus des Associés « persistants » sont :

  • de soutenir et d’évaluer les responsables sur le terrain,
  • de prendre des décisions statutaires,
  • d’élaborer un concept en permaculture pour le domaine,
  • et de garantir le respect des conditions d’usage des ressources apportées par les associés.

Soutenir et évaluer les responsables sur le terrain

Les Associés « persistants », même si la plupart d’entre eux seront probablement peu présents sur place au quotidien, voire s’ils ne passent qu’une ou deux fois l’an, sont tout aussi importants et légitimes pour soutenir et évaluer les acteurs qui sont sur le terrain.

Leur position « de veille périphérique » permet un suivi à distance avec du recul, un avis et un regard extérieurs, des médiations, des liens entre le monde de la ferme et les autres mondes, comme entre le monde du territoire rural local et le monde des grandes villes, proches ou lointaines.

Parmi les acteurs sur le terrain, les administrateurs collégiaux et les intendants, qui sont peu nombreux pour potentiellement beaucoup de tâches et de responsabilités, auront grand besoin du soutien fraternel et amical, ainsi que d’évaluations et critiques constructives, même si c’est ponctuel, de la part des Associés « persistants ».

Parfois, les administrateurs collégiaux pourraient ne plus être en état de servir, provisoirement ou définitivement, et ce sera aux Associés « persistants » de réaliser une succession, de rechercher et de recruter ensemble de nouveaux responsables légaux pour les remplacer.

Les Associés « persistants » sont aussi là pour soutenir les administrateurs collégiaux dans leurs tâches de représentation et de relations extérieures si nécessaire :

Parfois, il peut y avoir des critiques, médiatisées ou non, ou bien des audit ou évaluations de la ferme d’apprentissage par des personnes extérieures, par des mécènes ou des partenaires potentiels, par des collectivités et des services publics délivrant des subventions ou des autorisations.

Les Associés peuvent alors témoigner (ou pas) d’une activité associative d’intérêt général justifiant les apports personnels de ses membres à l’association, justifiant des dons et des aides, privées ou publiques, justifiant tels ou tels partenariats ou participations à des événements ou à des activités diverses.

Les Associés « persistants » devront apprendre à se connaître et à accepter leurs différences et leur diversité pour soutenir une cause commune (ou la cause d’êtres chers).

Bref, ce sont les gardiennes et les gardiens, veilleurs de l’esprit du projet tel qu’il a été fondé. Ils ne sont pas là pour co-construire un projet collectif en permanence avec des nouveaux associés qui vont et viennent et repartent, mais plutôt pour protéger le montage juridique existant et soutenir les responsables légaux (les administrateurs collégiaux) qu’ils désignent et missionnent pour réaliser l’objet social et pour faire appliquer les règles de fonctionnement de cette ferme d’apprentissage.

Prendre des décisions statutaires

Qu’ils viennent sur place à la ferme aux assemblée générales qui ont lieu à chaque fin de saison, ou qu’ils aient fait une procuration à un autre associé pour les représenter parfois ou la plupart du temps, les associés prennent les décisions collectives suivantes prévues dans les statuts :

  • déterminer l’orientation et la définition globales des activités, des partenariats et des services internes et externes de l’association, en leur attribuant également des objectifs et des critères d’évaluation,
  • prendre des prises de position publiques de l’association en cohérence avec son objet,
  • nommer et révoquer les responsables légaux de l’association et les membres du conseil d’administration, ainsi que toutes autres personnes responsables investis de missions et de délégations d’autorité particulières,
  • procéder à l’évaluation et à la validation du bilan de gestion du Conseil d’Administration de l’association,
  • discuter, approuver, redresser ou rejeter les comptes de l’exercice écoulé,
  • nommer les commissaires aux comptes,
  • exclure des membres associés agréés,
  • accepter de nouveaux membres associés agréés,
  • accepter des dons faits à l’association,
  • accepter des apports avec droits de reprise à l’association de la part de ses membres associés agréés et la signature de validation des traités d’apport avec droit de reprise entre l’association et ses membres associés,
  • restituer leurs apports avec droits de reprise aux membres associés de droit ou à leurs ayants-droit héritiers,
  • apporter aux statuts, dans toutes leurs dispositions, les modifications, directes ou indirectes, quelles qu’elles soient, pourvu que ces modifications ne soient pas contraires à la loi,
  • transformer l’association en toute autre forme juridique,
  • prononcer, à toute époque, la dissolution anticipée de l’association.

Élaborer un Concept en permaculture pour le domaine

Comme dit précédemment, la démarche permaculturelle, démarche à la fois philosophique et pragmatique, nous semble la mieux adaptée pour répondre à nos besoins d’aménagement des espaces, d’observation et de compréhension de notre environnement et de création d’écosystèmes soutenables.

Le concept1, véritable feuille de route, offre un cadre d’actions auquel les acteurs sur le terrain se référeront pour mener à bien leurs missions.

Les Associés qui le souhaitent et qui se passionnent pour cette affaire (il n’y a rien d’obligatoire) sont donc invités à former un groupe thématique afin de préparer, en amont des moments de prises de décision collective des associés « persistants », des propositions d’orientations, de conseils ou d’instructions pour les administrateurs collégiaux et pour les AP Gérants d’activités de la ferme.

Les autres usagers de la ferme sont aussi invités à participer à ce groupe « Concept du système permacole ». Le rôle de ce groupe au sein de la ferme consiste à effectuer :

  • la collecte, la mise à jour, la conservation et la transmission des informations, des études, des analyses, des cartographies, des inventaires et des observations de l’eau, de la flore et de la faune (y compris humaine) effectuées sur les espaces de la ferme.
  • l’élaboration permanente et évolutive du concept de la ferme,
  • la transmission des connaissances aux volontaires et apprentis-paysans résidents, en alternant théorie et pratique afin que nous partagions les mêmes connaissances en matière de concept,
  • une participation à la mise en œuvre du concept au sein des chantiers participatifs et des activités organisées par les Gérant d’activité et leur équipe.

Lorsque les Associés (ou à défaut les administrateurs collégiaux) décident de grands aménagements pour le concept du domaine, c’est à l’intendance d’organiser des chantiers participatifs avec des volontaires.

Garantir le bon usage des ressources apportées

Les Associés « persistants » ont également un rôle très important : celui de garantir le respect des conditions d’usage de certaines ressources qui ont été apportées avec des droits de reprise par des Associés.

Ce rôle implique d’entretenir des liens entre les associés membres de droit qui ont apporté des ressources et les acteurs sur le terrain qui les utilisent.

L’ensemble du domaine, ainsi que de nombreux matériels, pour une valeur de plus d’un million d’euros, ont été apportés et forment une propriété d’usage pour l’association.

Les Associés « persistants » doivent donc faire de leur mieux pour garantir que les ressources apportées avec droit de reprise par des Associés pour réaliser l’objet social de l’association soient bien utilisées selon les conditions et les [potentiellement dernières] volontés de ces Associés, et que si ce n’est pas le cas, elles leur soient restituées, à eux ou à leurs héritiers ayants-droit.

Les différentes conditions d’usage des différents biens immobiliers et mobiliers apportés à l’association sont détaillées dans des actes contractuels, notariés ou sous seing privé. Celui qui apporte le domaine agricole et forestier du moulin de Ravel est consultable en Annexe.

Rôles des Administrateurs Collégiaux

Les associés « persistants » désignent parmi eux des administrateurs collégiaux2 (actuellement, deux).

Les administrateurs collégiaux sont les représentants et les responsables légaux de l’association. Ils ont tous le même pouvoir et la même capacité et responsabilité juridique qu’ils partagent collégialement. Ce que fait l’un peut être défait par l’autre. L’un peut toujours être remplacé par l’autre.

Chaque Administrateur Collégial est responsable individuellement envers l’association et envers les tiers, soit des infractions aux lois de la république française, soit de la violation des statuts, soit des fautes commises dans sa gestion. L’ensemble détaillé de leurs responsabilités est précisé dans les statuts de l’association, disponibles en annexe ou en préfecture.

Les administrateurs collégiaux sont :

  • chargés de l’exécution des décisions collectives ordinaires et extraordinaires des associés « persistants » et de la coordination des activités
  • responsables de la sécurité des biens et des personnes sur le domaine de l’association
  • chargés de la gestion opérationnelle de l’association, ainsi que des biens et des ressources dont elle a la propriété ou l’usage à disposition, et donc des opérations d’achats, de ventes, de tenue des comptes des factures et de la comptabilité de l’association.
  • chargés de rassembler les budgets, les trésoreries et les comptabilités de chaque activité pour tenir une bonne gestion globale de l’association et des ressources qui lui ont été apportées pour réaliser son objet social.
  • responsables des inventaires et de la gestion administrative des prêts et des locations des biens matériels,
  • chargés de définir et mettre à jour les pôles d’activités agricoles et artisanaux en l’absence d’instructions et de décisions collectives des associés
  • chargés de décider d’un concept permacole provisoire en l’absence d’instructions et de décisions collectives des associés.
  • chargés de répartir, entre l’association, les AP et les partenaires locaux œuvrant sur le domaine, les moyens mis à disposition et les partages des surplus et bénéfices de la production des biens et services réalisés.
  • chargés du recrutement des AP, et de négocier et signer avec eux les termes des contrats moraux et sociaux, dont notamment les contrats de location et les contrats de prêt à usage de moyens et d’espaces de vie et de pratique.
  • chargés d’accompagner et de soutenir administrativement les AP responsables de pôles d’activités agricoles et artisanales (ex : démarches administratives, MSA, PAC, certificats AB, dossiers de demandes d’aides publiques ou privées, etc.).
  • chargés de communiquer pour le projet et ses activités agricoles et artisanales (au minimum la maintenance d’un site Web vitrine avec des ressources de transition, la diffusion d’un dossier de présentation comme celui-ci, le secrétariat, une Newsletter mensuelle par courriel annonçant les prochains chantiers participatifs et la mise à jour de réseaux de contacts thématiques)

Les administrateurs peuvent déléguer certaines de leurs missions à d’autres associés, à des Apprentis-Paysans, notamment à des AP Intendants, ou bien à des partenaires extérieurs, mais ce seront toujours les administrateurs collégiaux qui seront in fine tenus responsables pour leurs délégués devant l’assemblée des associés et devant la Loi française.

Ce sont les administrateurs collégiaux de l’association qui décident, régulièrement après avoir entendu les usagers concernés, des règles de vie commune et de bon voisinage dans les espaces communs du domaine mis à disposition des usagers de la ferme.

Ces règles sont diffusées aux usagers et affichées et mises à jour dans les espaces communs afin que tous les usagers, dont les invités, en soit informés.

En voici quelques unes :

À propos des animaux de compagnie

Tous les chiens de compagnie et de loisir des usagers de la ferme (AP, volontaires, clients, partenaires et invités) sont interdits dans les espaces de vie et de travail et dans le périmètre clôturé des cultures et des élevages de la ferme.

Ils doivent être déplacés en laisse sur le reste du domaine, notamment en forêt, et parqués dans un véhicule ou en périphérie, près du pont, dans un espace chenil désigné par un administrateur collégial.

L’accès aux biens loués ou prêtés aux AP, et aux espaces communs et partagés avec leurs voisins, est interdit à tout animal domestique, sauf si une convention écrite entre un administrateur collégial et l’AP ayant un animal fixe les conditions d’accueil de cet animal.

Les responsables d’animaux domestiques sont tenus de nettoyer toutes leurs éventuelles déjections et dégâts sur le domaine sans se soucier de savoir si ils sont dûs à leur animal, et ils sont invités à construire et entretenir ensemble le chenil pour les chiens des invités ou tout autre espace d’accueil dédié aux animaux domestiques personnels en périphérie du domaine.

Ne pas nourrir soi-même les animaux

Les usagers s’engagent à ne pas nourrir les animaux de la ferme, y compris un chat de ferme, sans l’accord de leurs propriétaires, à ne pas nourrir les animaux sauvages (notamment de produits industriels), ainsi que les chats et les chiens errants aux abords de la ferme afin qu’ils ne reviennent pas errer.

Bien refermer les portails

Les usagers s’engagent à bien refermer les portails d’enclos et de clôtures afin que les chiens errants ne rentrent pas et afin que les animaux de la ferme ne sortent pas et, notamment, ne représentent pas un danger pour la circulation routière.

Principes de fonctionnement

La ferme d’apprentissage du moulin de Ravel repose sur un montage juridique particulier et sur des apports de ressources sous conditions et/ou avec droit de reprise qui impliquent un objet social, un fonctionnement, une administration et une gestion associatives particulières où les espaces d’horizontalité et de verticalité sont définis et posés pour durer.

L’objet social et le fonctionnement de l’association sont déjà le fruit d’un long travail de réflexions, de concertations et de négociations et sont essentiellement à prendre tels qu’ils sont par les usagers car tout changement est compliqué, onéreux, et peut potentiellement fragiliser la confiance d’apporteurs avec droit de reprise de certaines ressources vitales pour le projet.

Un changement dans le cadre juridique se doit donc d’être exceptionnel et dicté par une réelle nécessité.

Il est donc possible que certains estiment que le fonctionnement du projet ne remplisse pas des critères d’AOC pour obtenir des étiquettes du type : « co-construction », « projet collectif », « coopératif », « communauté », « tribu », « sociocratie », « gouvernance partagée », « démocratie directe », « horizontalité », « assemblée générale permanente », « autogestion », etc.

Sachant qu’en plus, chacun a ses propres variantes dans les définitions et les interprétations de ces termes.

A propos de « co-construction horizontale permanente à l’unanimité », la conclusion d’expériences vécues peut se résumer ainsi : « Pas sur tout et n’importe quoi avec tout et n’importe qui ».

Les moments où les gens peuvent se réunir dans des conditions équitables pour décider ensemble en mode horizontal (assemblées souveraines) sont rares et le seront de plus en plus à mesure de la dégradation à venir des outils de communications informatiques et des conditions de vie et de transport.

Ces moments collectifs sont efficaces lorsqu’ils arrivent à désigner et révoquer des rôles et des responsables pour décider de tout ce qui n’a pas pu l’être pendant une assemblée souveraine et pour décider de tout ce qui doit l’être entre deux assemblées.

Quelle personne individuelle va prendre quelle décision non collective d’ici au prochain moment où des décisions collectives pourront être à nouveau prises ?

Il nous semble indispensable de désigner de manière légitime et largement consentie et obéie qui va décider verticalement de quoi entre ces rares et précieux moments d’horizontalité où des paysans et des artisans peuvent se retrouver tous à palabrer pendant des heures sans rien faire d’autre de leurs mains.

Parallèlement, il nous apparaît très important que les apprentis-paysans puissent découvrir, expérimenter, pratiquer de nouveaux outils et modèles d’organisation sociale et de prises de décisions collectives horizontales qui soient le moins chronophages et le moins conflictuelles possibles, pour des groupes et des organisations de différentes tailles sur un territoire local.

Nous pensons qu’un juste équilibre entre verticalité et horizontalité sont les deux axes fondamentaux d’une bonne organisation humaine.

C’est tant mieux si les usagers de la ferme peuvent expérimenter l’art subtil d’alterner entre fonctionnement vertical et fonctionnement horizontal en fonction de contextes et de situations particulières variées.

De l’horizontalité

Dans le projet associatif de la ferme, les espaces et les groupes où des décisions collectives peuvent être prises de manière horizontale (et potentiellement de manières variées dans l’horizontalité) sont :

  • L’assemblée générale des associées
  • Les pôles d’activités.

En assemblée générale

Cet espace d’horizontalité ne concerne que les associés « persistants ».

Des assemblées générales des associés « persistants » ont lieu une fois par saison de l’année, la veille de chaque solstice ou équinoxe, au siège social de l’association, situé à la ferme du moulin de Ravel.

Les associés « persistants » viennent sur place pour l’organiser ou se font représenter par d’autres associés « persistants » s’ils ne peuvent venir. Si le quorum n’est pas réuni, les prises de décisions sont reportées, ce qui n’empêche pas les présents d’œuvrer ensemble sur la préparation et l’information de future décisions à prendre.

Une assemblée générale est composée de deux collèges (un pour les membres de droit et un pour les membres agréés) qui doivent tous les deux valider une décision collective pour qu’elle soit prise.

Au sein de chaque collège les décisions collectives sont prises à la majorité des deux tiers pour les décisions de type ordinaire, et à la majorité des trois quarts pour celles de type extraordinaire. Les statuts en Annexe détaillent ce qui relève de l’ordinaire et de l’extraordinaire.

Il est tout à fait possible qu’une décision collective soit d’abord prise de cette manière pour décider de changer la manière dont une décision collective sera prise ensuite (par exemple : à l’unanimité, en élection sans candidat, en sociocratie, etc.).

Par ailleurs, les associés ont aussi la possibilité de prendre des décisions collectives en dehors des assemblées générales en validant tous par signature à l’unanimité une décision collective écrite sous seing privé et consultable dans le registre des décisions collectives de l’association.

En pôle d’Activité

Ces espaces d’horizontalité ne concernent que les participants d’une activité régulière particulière ou d’un chantier participatif ponctuel particulier.

Par défaut, l’AP Gérant d’une activité et organisateur de chantiers participatifs est le chef décisionnaire unique de son activité et de ses chantiers …sauf s’il décide de ne pas l’être en interne.

Pendant la durée de son contrat moral et de sa mission, un Gérant peut décider de ne prendre des décisions qui incombent au Gérant qu’en fonction des décisions que son équipe aura pris lors d’un processus de décisions et un mode de fonctionnement particulier qu’ils auront choisi d’expérimenter, ou de pratiquer s’ils en ont déjà l’habitude et la préférence.

Selon les situations, il sera possible d’expérimenter et d’utiliser plusieurs formes d’organisation de prises de décisions collectives : comme celles de décisions à majorité absolue, des deux tiers ou des trois quart, à l’unanimité, au tirage au sort, et d’autres comme la sociocratie3, l’holacratie4, etc.

L’intention pédagogique est de permettre aux apprentis-paysans et aux usagers de la ferme d’expérimenter dans les activités agricoles et artisanales, dans les chantiers participatifs ou dans les actions d’entraides de bon voisinage de la vie quotidienne différents fonctionnements possibles.

Cela afin qu’ils puissent choisir celui qui leur conviendra le mieux lorsqu’ils formeront leurs propres affaires, coopératives ou communautés taisibles5 ou autre sur un territoire local.

Ces expériences de diverses formes de fonctionnement et d’organisation humaine sont donc délimitées dans les espaces et dans les domaines d’activités qui ont été attribuées à un Gérant d’Activité par l’association dans un contrat social et un contrat moral.

L’AP Gérant d’une activité reste l’interlocuteur unique et la personne tenue pour responsable par les autres acteurs de la ferme, notamment par les partenaires, l’intendance et l’administration.

En cas d’absence de décision alors qu’il y a une urgence, impliquant une responsabilité légale, ou la vie d’animaux de ferme, la prise de décision finale est effectuée par l’AP gérant d’activité, à défaut par un intendant, puis en cas d’absence de l’intendance, par un administrateur collégial (responsable légal) de l’association.

L’intention organisationnelle est que les expériences de fonctionnements alternatifs puissent se vivre selon la volonté de chacun mais que leurs éventuels échecs et conflits ne paralysent pas l’ensemble de la ferme-école.

L’association accepte ainsi que chaque AP Gérant d’activité expérimente pleinement son idéal d’organisation sociale, avec les volontaires et les usagers qui sont intéressés d’y participer, par périodes, renouvelables ou pas par les administrateurs de l’association.

Et de la verticalité

En dehors de ces espaces d’horizontalité possibles précédemment évoqués, le fonctionnement de l’association et de la ferme repose sur des personnes individuelles décisionnaires avec une délégation d’autorité légitime et clairement énoncée et limitée dans les termes de décisions collectives préalables, écrites et consultables.

Des principes de verticalité et de délégation d’autorité sont donc assumés dans ce projet associatif.

« Commander et Être commandé » : Beaucoup d’entre nous avons été éduqués dans une culture où ces deux situations sont connotées et jugées a priori de manière très péjorative.

Pourtant nous ne connaissons toujours pas d’organisation humaine où nous ne sommes ni dans l’une ni dans l’autre pour que son organisation sociale et économique soit saine et fonctionnelle.

C’est à dire notamment capable d’assurer ses besoins vitaux et non vitaux sans une économie de prédation aux dépends d’autres groupes d’humains ne bénéficiant pas des mêmes droits que nous nous octroyons à nous même.

Nous considérons qu’apprendre à commander6 et à être commandé en alternance, n’empêche pas d’être libre (et que c’est même une compétence requise pour assurer la liberté collective à un groupe humain organisé).

Chacun et chacune de nous a toujours la liberté individuelle de refuser un commandement, c’est à dire de refuser d’être commandé ou de commander. Mais selon le contexte, cela peut vouloir dire s’exclure ou être exclu du groupe. Une chose de plus parmi d’autres à accepter dans la vie.

« Le problème n’est pas l’autorité ni la hiérarchie mais le despotisme (l’abus de pouvoir, origine de l’exploitation et de l’oppression) et la domination (quand le rôle du leader est immuable et la capacité de décision est inaccessible aux autres). Une horizontalité totale n’est ni possible ni désirable. Tous les humains sont différents, nous avons différentes capacités et pour autant, cela nous intéresse que les personnes expertes en une activité puissent les organiser et les diriger, pour qu’elles se déroulent de la meilleure manière possible»7

Nous souhaitons nous épargner de (re)vivre un « mythe de l’autogestion»8.

Pour illustrer franchement et sans être « politiquement correct » quelques principes de verticalité et d’horizontalité, nous souhaitons :

« (Ré-)apprendre à alterner d’un mode de prise de décision horizontale à verticale et vice et versa de manière adaptée à chaque situation »

« (Ré-)apprendre à commander et à être commandé »

« Effectuer des délégations d’autorité et de responsabilité décidées le plus horizontalement possible et que les rôles de responsables ne soient pas contestés et désobéis au quotidien, tout en étant révocables par des mécanismes horizontaux »

« Bien définir chaque périmètre d’horizontalité : qui fait groupe/société sur quoi, et se rassemble pour décider quoi, quand et où. Éviter les concepts et formules floues et vagues, comme le faire pour ou par « le collectif » lorsqu’il désigne à la fois personne et n’importe qui. On ne fait pas fonctionner et survivre une ferme et des animaux en autonomie avec personne ni avec n’importe qui. »

« Éviter au maximum les blocages décisionnels et l’attente interminable de décisions collectives, surtout dans l’opérationnel et les besoins vitaux quotidiens : toujours clarifier qui décide quoi en dernier recours si nécessaire (même si la décision peut être modifiée horizontalement plus tard) »

« Accepter qu’il est normal d’obéir à un chef révocable, ainsi que de suivre un cadre de règles de vie commune (que l’on a accepté en entrant) de manière disciplinée »

« Accepter d’être réprimandé à juste titre pour ses abus et de ne pas contester les règles en permanence, car il y a pire que le principe même d’une « punition » dans la vie en société : l’impunité »

« Favoriser un maillage d’engagements entre deux personnes individuelles responsables, et des accords négociés avec des récapitulatifs écrits, adaptés à nos faibles capacités mémorielles modernes, plutôt que des accords verbaux flous avec des groupes fluctuants »

« Éviter comme la peste de donner ou déléguer un pouvoir de décision ou de vote à une personne, et encore moins à un groupe de personnes, qui n’a pas la volonté d’agir comme étant personnellement responsable des conséquences de la décision qu’elle prend (ou qu’elle ne prend pas, l’absence de décision étant aussi une décision). »

« Se préparer à des situations d’urgence, réelles ou simulées (ex : une alerte incendie de nuit), où des « commandements » auront été prédéfinis à tour de rôle. Ainsi chacun pourra apprendre à coordonner et à pratiquer sa capacité à réagir dans l’urgence et ce dans l’intérêt d’un groupe. »

Nous rappelons également que nous souhaitons que toute personne ayant un rôle « de verticalité » avec une délégation d’autorité ou avec la responsabilité d’organisation de groupes, de chantiers, d’animations, de rassemblements socioculturels dans le cadre de la ferme d’apprentissages, ne se livre pas à du prosélytisme pour sa vision personnelle sociale, politique, culturelle et spirituelle du monde

Nous souhaitons qu’elle respecte – lorsqu’elle est dans le cadre de sa fonction et de son rôle – une indépendance et une neutralité laïques et politiques, notamment vis à vis des organisations religieuses, des syndicats, des lobbys et des partis politiques.

Bilans

Comme toute ONG qui prétend avoir une mission d’intérêt général ou public, la ferme d’apprentissages a une certaine redevabilité morale et juridique vis à vis du monde extérieur.

Bilan de gestion des administrateurs collégiaux

Extrait des statuts :
«  Chaque membre du Collège de membres du Conseil d’Administration est responsable de la rédaction et de la diffusion des bilans et rapports financiers de l’association aux membres associés de l’association. »

Rapports annuels de l’association aux apporteurs avec droit de reprise

Extrait de l’acte notarié d’apport du domaine du moulin de Ravel à l’association :
«  L’association s’engage à fournir un rapport annuel de l’utilisation du bien apporté (ou tout bien subrogé) par l’association comprenant au moins :
– Les comptes annuels de l’association dont le bilan, le compte de résultat et l’annexe,
– La liste des activités réalisées par l’association et leurs objectifs,
– Les données quantitatives relatives auxdites activités en ce compris le nombre de bénéficiaires des activités.
Ce rapport sera remis à l’apporteur jusqu’à son décès, au plus tard dans les six mois après la date de clôture de l’exercice comptable concerné :
– Soit par courrier recommandé avec accusé de réception,
– Soit par remise en mains propres contre récépissé.
Postérieurement au décès de l’apporteur, ledit rapport sera mis à disposition des ayants droits de l’apporteur dans le même délai au siège de l’association. »

Critères d’évaluation

Les premiers critères d’évaluation du projet associatif de la ferme d’apprentissages que se donnent ses associés sont :

  • Le nombre d’apprentis-paysans (volontaires résidents et volontaires ponctuels) accueillis
  • La qualité de la vie quotidienne (salubrité, hygiène, bien-être,…) des usagers du domaine de la ferme (ainsi que des animaux domestiques et sauvages)
  • La qualité des apprentissages vécus vers l’autonomie personnelle, collective et vers la permaculture
  • La diversité des origines sociales et culturelles des apprentis accueillis
  • La biodiversité écologique, la résilience, la complémentarité et l’harmonie des écosystèmes permacoles régénératifs réalisés sur le domaine de la ferme
  • La capacité de production de biens et de services agricoles et artisanaux nécessaires aux 3 besoins vitaux de l’alimentation, du logement chauffé, et de l’équipement vestimentaire pour 6 foyers de paysans et assez de surplus pour 3 foyers de non-paysans sur le territoire local
  • Le nombre, le sens, la qualité et la satisfaction mutuelle des partenariats et des échanges de services effectués avec les habitants et les acteurs sociaux et économiques sur le territoire local
  • La capacité de résilience des équipements, des aménagements, des matériels, des bâtis aux aléas du changement climatique, et aux aléas de l’accès aux ressources et aux énergies en fonction de la situation de l’économie et de la géopolitique nationales et mondiales
  • Le niveau d’autonomie locale des usagers de la ferme, impliquant une interdépendance vertueuse avec une économie (re)localisée et une indépendance vis à vis de l’économie mondiale et de sa civilisation de métropoles urbaines
  • La richesse des liens humains, des rencontres, des transmissions de savoirs, des événements socioculturels et des échanges d’actions d’entraide au sein de la ferme et entre les usagers de la ferme et les habitants du territoire local
  • Le nombre d’apprentis-paysans (volontaires résidents et volontaires ponctuels) accueillis qui s’installent ensuite dans le Diois en partie grâce à ce qu’ils ont vécu à la ferme d’apprentissages ou avec ses partenaires locaux et qui deviennent à leur tour des partenaires locaux de la ferme pour aider à la formation et à l’installation de paysans permacoles dans la région.
  • Tout autre critère utile pour l’évaluation de la réalisation de chacun des éléments constitutifs de l’objet social de l’association.

Sont responsables de la réussite de ces critères d’évaluation tous les usagers de la ferme, chacune et chacun selon ses ressources, ses rôles, ses engagements, ses capacités et ses possibilités.

1Un exemple parmi d’autres : https://www.passerelleco.info/article.php?id_article=2140

2Dans les statuts, ils portent souvent le nom à rallonge de : « membre du Collège de membres du Conseil d’Administration ».

3https://fr.wikipedia.org/wiki/Sociocratie

4https://fr.wikipedia.org/wiki/Holacratie

5https://fr.wikipedia.org/wiki/Communaut%C3%A9_taisible

6du latin commandare : « confier, transmettre, recommander », puis en bas-latin « ordonner, dominer »

7Extrait d’un « Manuel de base de cohabitation en collectif, spécial communautés rurales » sur le site https://fermelegere.greli.net

8Tel qu’il est évoqué dans une interview de Luc Carton par Franck Lepage sur les expériences se revendiquant de l’auto-gestion : https://m.youtube.com/watch?v=JwSg9BIJNqI